by Amandine Villard
Pardonne-moi, fillette,
Si tu le peux toujours,
D’avoir fait de nos âmes
Des forges étrangères,
D’avoir moqué ton nom,
D’avoir nié ton être.
Savoures-tu, fillette,
Ton retour à toi-même ?
Je l’avoue, mon enfant,
Je t’ai abandonnée,
Balayée,
Piétinée,
Trahie,
Désincarnée,
Sacrifiée sans faiblir
Pétrifiée sans douter,
Troquée contre un pouvoir
Qui m’enterre aujourd’hui.
Comprendras-tu jamais,
Infantile sagesse,
Que je t’ai préféré
la raison du plus fort,
Dans l’espoir que jamais
Cruauté ne te blesse.
Ce monde est laid, fillette,
Chaque heure moins humain,
Chaque jour plus souillé,
Mais en rien je n’excuse
Mes fuites solitaires.
A vouloir préserver
Ta beauté si fragile
Je nous ai interdit
A tout prix
D’exister.
Contemple, mon enfant,
Mon errance coupable,
Mes matins de contraintes,
Et mes nuits de terreur,
Mes geôles et mes fardeaux,
Mes hivers consentis.
Si j’avais accepté
Ta main qui prend la mienne,
Au mépris des périls
Qui m’ont fait renoncer,
Je n’aurais pas quitté
Le chemin de moi-même,
Dilapidant ce temps
Qu’on ne peut rattraper.
Te souviens-tu, fillette,
Des flamboyants espoirs,
Que nos mains modelaient
Sous un ciel tranquille ?
Puisses-tu, mon enfant,
T’éveiller sans frayeur
Dans les bras d’une vie
Que tu n’as jamais craint.
Rappelle-moi, fillette,
Qu’aucune paix ne foule
Une terre sans lutte,
Qu’on ne saurait guérir
Sans meurtrissure au corps,
Que survivre est un leurre
Dont on se meurt
Sans bruit.
Mon enfant, ma bravoure,
Amour, je suis si lâche
Que mes lasses attentes
Suffoquent et s’ennuient,
Que j’ai noyé mes rêves
Dans de vaines prudences.
Misérable infidèle,
Chancelante,
Repentie.
Pardonne-moi, fillette,
Et inventons ensemble
Notre l’avenir.
Last updated April 16, 2015